En Haïti, le secteur de la photographie reste marqué par une forte présence masculine. Pourtant, plusieurs femmes tentent d’y trouver leur place, malgré les obstacles. C’est le cas de Frédérique R. Montas, connue sous le nom de Freda Montas, qui exerce ce métier depuis une dizaine d’années. Pour elle, la photographie est à la fois un mode de vie et un outil de changement social.
Âgée de 35 ans, elle explique devoir s’imposer quotidiennement pour faire reconnaître son travail. Au fil de sa carrière, elle a été confrontée à des hommes qui sous-estimaient ses compétences, estimant que la photographie n’était pas destinée aux femmes. « C’est pourquoi j’aime la photographie culinaire car je n’ai pas à faire face aux insécurités des hommes qui pensent qu’il y a toujours quelque chose à corriger chez eux. La nourriture ne me dira pas que je dois soigner son image afin qu’elle soit plus belle ou plus maigre », confie-t-elle.
Un moment marquant de son parcours reste le soutien d’une proche. « Ma tante était en train de chercher un photographe pour la compagnie où elle travaille et a décidé de me faire confiance en me donnant ma chance. C’est vraiment à cause de Tatie Do que je me suis lancée à fond dans la photographie », raconte-t-elle.
Frédérique Montas a étudié la photographie à l’institution CEPEC, alors qu’elle terminait un cursus en architecture à l’Université Quisqueya. Sa décision avait suscité des réticences familiales. « J’ai toujours voulu étudier la photographie mais j’étais face à une mère pour qui la photographie n’était pas un métier. Je lui ai prouvé le contraire, pour elle c’était la médecine, le génie et le droit », dit-elle.
Durant ses études, elle multipliait les prises de vue à l’université, que ce soit lors de matchs de basketball ou d’autres activités. Ses premières publications dans la revue de l’université, dont une photo du rappeur Baky en couverture, lui ont donné une visibilité.
Elle souligne le rôle de ses mentors dans son évolution. « En grande partie, je suis la photographe que je suis aujourd’hui grâce à Hugue Robert Marsan, avec qui j’ai suivi de nombreux séminaires sur la photographie et qui m’a pris sous ses ailes, et à Graphcity qui m’a appris les différentes facettes du métier », explique-t-elle.
Une pratique multiple
Aujourd’hui, Frédérique Montas ne se limite pas à une seule catégorie de photographie. Elle construit son portfolio à travers des communions, baptêmes, mariages ou encore des projets culinaires. « J’aime quand les choses restent naturelles le plus que possible car pour moi l’essence de la photographie, ce n’est pas la manipulation pour changer la forme ou embellir mais montrer la personne ou la chose comme elle est », précise-t-elle.
Elle évoque également l’importance d’un souvenir professionnel : sa première couverture de mariage en solo. « J’aime raconter la journée des mariés en détails et les faire revivre leur jour », explique-t-elle.
Son travail a aussi été diffusé dans l’espace public. « Quand j’ai fait mon premier panneau publicitaire dans les rues d’Haïti, j’étais comme une enfant qui dansait pour des sucreries », se souvient-elle.
Influencée par Hugue Robert Marsan, Dezobri, Woodgraphique ou encore Raphaële Castra, elle observe que « savoir jouer avec la lumière » reste une compétence essentielle pour un photographe.
Un regard sur l’avenir du métier
Frédérique Montas constate des changements dans la photographie en Haïti, mais souligne un déséquilibre. « Le secteur photographique haïtien a beaucoup évolué mais je trouve qu’il n’y a toujours pas assez de femmes dans le domaine. Mais, à celles qui aspirent à devenir professionnelles, je conseille de rester authentiques et de ne pas essayer de copier qui que ce soit », conclut-elle.
Par Youbens Cupidon © Chokarella