Deux jeunes Haïtiens, Abigaïl Alexandre et Stéphanau Déhilaire, représenteront Haïti à Paris en quarts de finale du concours international Éloquentia. Ils ont remporté les finales locales organisées cette année, la première à Port-au-Prince en partenariat avec l’association Menpakte, puis la seconde à Jacmel.
C’est la deuxième fois qu’Haïti sera présent dans cette compétition francophone de débat. En 2024, Farah Jean-Baptiste, lauréate de la première édition haïtienne, avait atteint les demi-finales à Paris.
Cette année, Eloquentia a rassemblé des jeunes de 18 à 35 ans dans deux villes : Jacmel, pour la deuxième fois, et Port-au-Prince, pour une première édition. À Jacmel, 90 participants s’étaient inscrits, tandis qu’à Port-au-Prince, ils étaient 190 à bénéficier de formations gratuites. Le concours s’est tenu sous l’égide de Golden Team Haïti, détentrice de la licence Eloquentia dans le pays.
Ainsi, après avoir sacré Farah Jean-Baptiste en 2024, l’antenne de Jacmel a vu émerger cette année Abigaïl Alexandre. À Port-au-Prince, la première édition a été remportée par Stéphaneau Déhilaire. Tous deux représenteront Haïti à Paris à la fin du mois d’août.
« La fougue de l’équipe de Port-au-Prince nous a marqués, moi personnellement, et la façon dont les jeunes arrivés en finale dans les deux zones ont été exceptionnels, grâce à leur talent et aux formations reçues », a déclaré Wagens Jean Louis, coordonnateur des antennes d’Éloquentia en Haïti, à la rédaction de Chokarella. Il a précisé que la crise traversée par le pays avait perturbé l’organisation, notamment dans la capitale, mais que le projet avait pu être mené à terme.
Le coordonnateur s’est montré confiant : « Ces jeunes sont extraordinaires, il y a Stéphaneau qui a un style calme et humoristique, de l’autre côté il y a Abigaïl qui joue avec les émotions, avec sa rhétorique. On espère qu’ils vont arriver en finale internationale en mars 2026, s’ils arrivent à passer les quarts et les demi-finales pendant ce mois d’août, dans ce concours qui regroupe plus de 40 régions francophones dans le monde. »
Le parcours d’Abigaïl Alexandre
Née à Port-au-Prince et ayant grandi à Jacmel, Abigaïl Alexandre, 20 ans, est la cadette d’une fratrie de quatre enfants. Passionnée par l’art oratoire, la mode et l’esthétique, elle a participé pour la première fois à Eloquentia Jacmel cette année.
« J’ai opté pour ce concours pour montrer que la génération 2000 vaut plus que ce que l’on croit et qu’il y a encore de l’espoir pour Haïti », a-t-elle confié. Elle explique avoir été inspirée par Farah Jean-Baptiste : « Le déclic c’était entendre Farah Jean Baptiste, lauréate de la première édition de Eloquentia Jacmel, prononcer un discours à la finale du concours d’éloquence Antoine Dominique, autour du thème “Rien n’est trop difficile pour la jeunesse.” Et là je me suis dit, si elle l’a fait, moi aussi je peux y arriver. »
Lauréate à Jacmel le 17 mai dernier, elle décrit son expérience comme « particulièrement enrichissante et aussi assez stressante ». Pour elle, l’essentiel était de prouver que « rien n’est trop difficile pour la jeunesse ».
En perspective du concours international, elle ajoute : « Représenter Haïti pour moi est une immense fierté. Je ne pouvais pas rêver mieux. » Elle appelle les plus âgés à soutenir la jeunesse : « Chers aînés soutenez les jeunes. Car soutenir la jeunesse c’est assurer un lendemain meilleur pour Haïti. Génération 2000 quant à vous, prenez votre destin en main et défendez-le ! »
Le profil de Stéphaneau Déhilaire
Originaire de Delmas, Stéphaneau Déhilaire a étudié le droit à la Faculté de Droit et des Sciences Économiques (FDSE). Il a également suivi des formations en marketing, relations publiques, comptabilité et informatique bureautique. Passionné par le football, le leadership et l’éloquence, il a déjà participé à plusieurs concours, dont le championnat de plaidoirie sur les droits humains du Bureau des Droits Humains en Haïti, où il fut vice-champion, ainsi que « The Challengers », qu’il a remporté.
« J’aime le challenge, j’aime me surpasser, j’aime apprendre et surtout gagner, et ça me pousse à participer à chaque concours », a-t-il expliqué. Concernant Eloquentia, il déclare : « Eloquentia représentait l’opportunité pour participer à un challenge, dans un concours d’éloquence, dans un nouveau format, et je suis très curieux. »
Avec sept compétitions à son actif — trois finales et trois victoires —, il voit en ce concours une occasion unique de se mesurer à un niveau international. « Tu as déjà vu un joueur qui joue dans un club de haut niveau et qui est sélectionné pour représenter son pays en Coupe du Monde ? Sa joie est énorme, c’est de même pour moi », raconte-t-il.
Et de préciser : « Quand je vais représenter Haïti en France ce mois d’août, je vais représenter les Madan Sara, les chauffeurs de taxi-motos, les boutiquiers et les jeunes d’Haïti qui font des études et qui veulent un jour contribuer au développement de leur pays. »
Cette année, la participation haïtienne est rendue plus complexe par le financement. Selon Wagens Jean Louis, l’ambassade de France n’a couvert que 40 % des billets d’avion, contre une prise en charge plus importante l’année précédente. Le déficit est estimé à 7 434 dollars américains. Une levée de fonds est en cours pour compléter le budget.
Le départ est prévu le 25 août, après un transit en République dominicaine, pour une compétition qui se tiendra jusqu’au 31 août. Une fois en France, l’organisation Eloquentia prendra en charge la délégation.
Celle-ci sera composée des deux lauréats, de Jude Pierre et Ernestcia Jean-Baptiste, responsables des antennes de Port-au-Prince et Jacmel, ainsi que de Wagens Jean Louis, coordonnateur national d’Éloquentia en Haïti.
Par Frantz Junior Petit-Frère© Chokarella