Aderly Belizaire, connue sous le nom de scène Aliaah, est une artiste haïtienne qui puise dans le rap un moyen de se reconstruire après des traumatismes personnels. Depuis l’adolescence, après la disparition de son père, elle se consacre à la musique pour retrouver un repère dans un environnement marqué par la violence et l’insécurité. Dans une interview accordée à notre rédaction, elle est revenue sur son parcours et ses projets.
Originaire de Port-au-Prince, Aliaah se décrit comme une admiratrice de l’expression artistique, en particulier de la musique. Pour elle, cet art constitue un moyen de partager son monde intérieur. « La musique m’a toujours permis d’exprimer mes émotions les plus profondes et de communiquer ce que je ressens », explique-t-elle.
Fille unique, née le 09 octobre 2002, elle a grandi dans la commune de Delmas, entourée de sa mère et de son oncle, qui lui ont transmis des valeurs morales qui guident encore son parcours. Très tôt, elle a développé un intérêt pour la musique urbaine, qu’elle utilise comme un moyen de trouver sa paix intérieure.
« Mon père était rappeur, mais j’ai malheureusement perdu la chance de l’entendre après sa disparition soudaine. Cet événement m’a profondément marquée et a nourri mon désir de créer mon propre univers musical, mêlant Trap-Soul, Pop et Afro-Soul », raconte Aliaah.
Elle a choisi ces styles pour refléter ses multiples identités. Le Trap-Soul lui permet d’exprimer sa sincérité et ses émotions profondes, tandis que l’Afro-Soul traduit sa connexion avec ses racines et sa culture. « Ensemble, ils me permettent de créer un équilibre entre douceur, force et sensualité dans mes chansons », précise-t-elle.
La musique a accompagné son quotidien, à la maison, dans la rue ou à l’église. « Elle m’a toujours accompagnée, même dans les moments difficiles », confie-t-elle. Son univers musical reflète aujourd’hui une vie marquée par la tristesse et la résilience. « J’ai grandi avec une mère forte, qui m’a élevée dans la discipline, la sensibilité et l’écoute, des valeurs que je porte encore aujourd’hui, autant dans ma vie que dans ma musique », ajoute la chanteuse.
Avant de s’installer aux États-Unis pour découvrir de nouvelles influences et renforcer son identité artistique, Aliaah s’exprimait déjà par la plume et son carnet personnel. « Au départ, c’était une manière de me libérer émotionnellement, puis cela est devenu une véritable passion. Avec le temps, j’ai développé un style qui me ressemble : profond, sincère et mélodieux », explique-t-elle.
Pour elle, la musique est désormais une forme de thérapie. « Ces derniers temps, je me concentre sérieusement sur ma carrière musicale : je travaille mes visuels, mes sons et ma direction artistique », confie-t-elle. Avec son producteur de longue date, Dr Tchon, elle entend créer un univers authentique, mêlant émotion, sincérité et profondeur, tout en restant ouverte à d’autres collaborations. Elle souhaite que sa musique, introspective et inspirante, aborde des thèmes comme l’amour, la solitude, la foi et la reconstruction, et valorise ses capacités linguistiques en passant du créole au français et à l’anglais.
« Je m’inspire surtout de mes propres expériences et émotions. La musique est pour moi un moyen de transformer mes moments de vulnérabilité en force et en créativité », souligne Aliaah. Chaque morceau reflète ses pertes, ses relations, ses luttes intérieures, mais aussi ses moments de paix. « Ces projets représentent ma renaissance artistique et m’encouragent à me montrer telle que je suis. Chaque chanson est comme une page de mon journal intime mise en mélodie », ajoute-t-elle.
À travers ses œuvres, Aliaah aborde la guérison, l’amour, la confiance en soi et la vérité, et souhaite transmettre un message clair à son public : « Je veux que ceux qui écoutent ma musique sentent qu’ils ne sont pas seuls. Même dans les moments difficiles, il est possible de se relever, retrouver sa lumière et continuer à aimer », indique-t-elle.
Dans un secteur musical haïtien encore largement dominé par les hommes, la chanteuse a dû relever de nombreux défis. « En tant que femme, il faut souvent prouver deux fois plus. Mais ces défis m’ont rendue plus forte. J’ai appris à rester concentrée, à me respecter et à faire valoir mon travail sans compromis », ajoute-t-elle.
Elle remarque également une évolution dans la musique haïtienne : « De plus en plus d’artistes explorent des styles modernes tout en restant fidèles à leur culture ».
Actuellement, Aliaah prépare la sortie d’un EP retraçant son parcours personnel, ses émotions et sa vision de la vie, avec de nouveaux visuels et collaborations. « Mon objectif est d’étendre ma musique au-delà des frontières tout en gardant mes racines et mon authenticité. Je veux bâtir une connexion réelle avec le public haïtien et international grâce à des sons sincères et puissants », conclut-elle.
Par Youbens Cupidon © Chokarella